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#1 10-09-2025 18:02:02

Climax
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La Suisse peut-elle vraiment revenir à des taux d'intérêt négatifs ?


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Alors que la plupart des économies avancées sont toujours confrontées à une inflation tenace, la Suisse se trouve dans une situation inverse : les prix à la consommation augmentent à peine et, parfois, diminuent même. Ce contexte a ravivé les spéculations selon lesquelles la Banque nationale suisse (BNS) pourrait être contrainte de revoir l'un de ses outils politiques les plus controversés, à savoir les taux d'intérêt négatifs.

Le débat s'est intensifié après juin 2025, lorsque la BNS a abaissé son taux directeur pour la sixième fois dans le cadre du cycle d'assouplissement actuel, le ramenant à 0 %. Cette décision a marqué un tournant, soulevant la question de savoir si les taux négatifs, abandonnés il y a seulement trois ans, pourraient faire leur retour comme arme contre la désinflation persistante et la flambée du franc suisse.

Les taux négatifs renversent la logique financière traditionnelle : au lieu que les prêteurs perçoivent des intérêts, les emprunteurs sont en fait rémunérés pour contracter des emprunts, tandis que les banques commerciales sont pénalisées pour détenir des réserves excédentaires auprès de la banque centrale. Pour la Suisse, cette mesure a longtemps servi un double objectif : stimuler les prêts et les dépenses intérieures, tout en limitant quelque peu l'appréciation incessante du franc, qui menace les exportateurs et fait baisser l'inflation en dessous de l'objectif de stabilité de 2 % fixé par la BNS.

Pourquoi la Suisse a-t-elle introduit des taux négatifs en 2015 ?

La Suisse a opté pour des taux d'intérêt négatifs en décembre 2014 afin de contrer la menace de déflation et la force dangereuse du franc. Lorsque les prix baissent de manière constante dans l'ensemble de l'économie, les particuliers et les entreprises retardent leurs dépenses dans l'attente d'une baisse encore plus importante des prix. Cela peut déclencher une spirale descendante caractérisée par une faible demande, une baisse des bénéfices, des pertes d'emplois et un ralentissement de la croissance. En abaissant les taux en dessous de zéro, la Banque nationale suisse espérait décourager la thésaurisation et encourager les ménages et les entreprises à emprunter, à dépenser et à investir.

Cette mesure était également une réponse aux épisodes répétés de déflation en Suisse. Les prix à la consommation ont plongé en territoire négatif à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie : de 2011 à 2013, puis entre 2014 et 2016, et plus récemment pendant la pandémie, entre mars 2020 et mars 2021. En fait, l'inflation a été négative pendant environ un tiers des mois depuis 2009. Plus récemment, la Suisse a brièvement renoué avec une inflation négative en mai 2025, pour la première fois en quatre ans, même si les prix ont depuis légèrement augmenté. En août, les prix à la consommation n'ont augmenté que de 0,2 % par rapport à l'année précédente, ce qui souligne la fragilité persistante de l'inflation. Si les taux directeurs restent à 0 %, la BNS prévoit que l'inflation atteindra 0,2 % en 2025, 0,5 % en 2026 et 0,7 % en 2027.

Pourquoi la Suisse envisagerait-elle à nouveau d'abaisser ses taux directeurs en dessous de zéro ?

Le débat sur le retour éventuel de la Suisse à des taux d'intérêt négatifs a refait surface en 2025, en grande partie en raison de la force extraordinaire du franc suisse. La monnaie a atteint son plus haut niveau par rapport au dollar américain depuis 2011, gagnant près de 12 % depuis le début de l'année. Par rapport à l'euro, le franc s'est apprécié de plus de 15 % depuis mars 2021 et de plus de 21 % depuis mars 2018. Cette hausse incessante a maintenu l'inflation à son niveau le plus bas depuis des années, soulevant des questions quant à la capacité de la Banque nationale suisse à remplir son mandat de stabilité des prix.

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Graphique hebdomadaire USD/CHF – Source : ActivTrades

Un franc fort rend les biens importés moins chers, protégeant ainsi les ménages et les entreprises contre la hausse des coûts intérieurs. Si cela peut sembler une bonne nouvelle pour les consommateurs, cela risque toutefois de compromettre l'objectif de la BNS de maintenir l'inflation proche de 2 %, niveau considéré comme compatible avec une croissance saine et durable. Ces derniers mois, l'inflation a oscillé juste au-dessus de zéro, les prix à la consommation n'ayant augmenté que de 0,2 % en glissement annuel en août. Ces pressions modérées sur les prix intensifient les spéculations selon lesquelles la BNS pourrait être contrainte d'agir à nouveau, en réintroduisant éventuellement les taux négatifs comme outil pour contrer la désinflation induite par la monnaie.

Le président de la BNS, Martin Schlegel, a averti que si la banque centrale est prête à lutter contre la faible inflation à l'aide d'outils tels que les interventions sur les devises ou le retour aux taux négatifs, il est également conscient des inconvénients. Il note que la dernière période de taux négatifs a causé des difficultés considérables aux épargnants, aux banques et aux fonds de pension.

Pour l'instant, les marchés s'attendent à ce que la BNS maintienne ses taux inchangés lors de sa prochaine réunion de politique monétaire le 25 septembre, d'autant plus que l'inflation est restée dans sa fourchette cible pendant trois mois consécutifs. Les analystes estiment que les décideurs politiques resteront probablement prudents face à l'incertitude mondiale accrue, notamment la décision de Washington d'imposer des droits de douane de 39 % sur les importations suisses. Néanmoins, les responsables ont pris soin de souligner que toutes les options restaient ouvertes, compte tenu des risques liés à la poursuite de l'appréciation de la monnaie et à la fragilité des perspectives d'inflation.

L'histoire donne du poids au débat actuel. La Suisse a été la première grande économie à introduire des taux d'intérêt fortement négatifs en 2015. Cette politique a duré près de huit ans, pour prendre fin seulement en 2022. Un retour en territoire négatif serait donc à la fois un outil familier et controversé, soulignant à quel point les pressions sur la monnaie et l'inflation sont devenues sévères en 2025.

Les marchés obligataires suggèrent que les investisseurs se préparent déjà à la possibilité d'un changement de politique. Les rendements des obligations d'État suisses à court terme sont repassés sous la barre du zéro, les rendements à deux ans s'établissant à environ -0,11 % début septembre, après avoir atteint leur plus bas niveau en trois ans à -0,25 % en juin. Ces évolutions indiquent que les marchés financiers considèrent les taux négatifs comme plus qu'une simple option théorique : ils pourraient redevenir une réalité si les pressions inflationnistes continuent de s'affaiblir et si le franc refuse de s'assouplir.

Comment les taux négatifs peuvent-ils affecter l'économie suisse ?

En facturant aux banques des frais pour la détention de réserves excédentaires auprès de la Banque nationale suisse, les décideurs politiques visent à encourager les prêts et les investissements plutôt que l'épargne. Mais si les canaux de transmission théoriques sont clairs, les conséquences pratiques sont plus complexes, voire problématiques dans certains cas, pour l'économie suisse.

D'un point de vue théorique, les taux négatifs agissent par plusieurs canaux. Premièrement, ils réduisent le coût de l'emprunt, encourageant les ménages et les entreprises à dépenser et à investir. Deuxièmement, ils affaiblissent la monnaie nationale en rendant les actifs suisses moins attractifs pour les investisseurs étrangers, ce qui aide les exportateurs. Enfin, ils poussent les investisseurs à prendre plus de risques, à s'éloigner des actifs sûrs tels que les obligations d'État et à se tourner vers les actions ou l'immobilier, stimulant ainsi l'activité dans ces secteurs.

Cependant, dans la pratique, la Suisse a connu des effets secondaires importants :

  • Épargnants et fonds de pension : les ménages ne tirent que peu ou pas de rendement de leurs dépôts bancaires et, dans certains cas, doivent même payer des frais pour détenir des soldes importants. Les fonds de pension, qui dépendent fortement des obligations d'État et des titres à faible risque, ont du mal à honorer leurs obligations à long terme, car les rendements sont poussés encore plus bas dans le territoire négatif. Cela compromet la sécurité de la retraite et soulève des questions d'équité intergénérationnelle.

  • Banques et stabilité financière : les banques commerciales voient leurs marges d'intérêt nettes se réduire, car l'écart entre ce qu'elles gagnent sur les prêts et ce qu'elles paient sur les dépôts diminue. Pour préserver leur rentabilité, beaucoup se sont tournées vers le marché hypothécaire, contribuant à une forte augmentation des prêts et poussant les prix de l'immobilier suisse à des niveaux records. La BNS elle-même a mis en garde à plusieurs reprises contre les risques de surchauffe du marché immobilier et l'accumulation potentielle de déséquilibres financiers.

  • Entreprises et comportement d'investissement : alors que les coûts d'emprunt sont historiquement bas, les entreprises confrontées à l'incertitude mondiale, exacerbée par les tensions commerciales et, plus récemment, par les chocs géopolitiques, préfèrent souvent conserver leurs liquidités plutôt que d'augmenter leurs investissements. Cela met en évidence un paradoxe théorique des taux négatifs : un crédit moins cher ne garantit pas nécessairement des investissements plus élevés si la confiance fait défaut.

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